HAVAMAL
LES DITS DU TRES HAUT
SUITE
76. Meurent les biens,
Meurent les parents,
Et toi, tu mourras de même;
Mais la réputation
Ne meurt jamais,
Celle que bonne l'on s'est acquise.
77. Meurent les biens,
Meurent les parents
Et toi, tu mourras de même;
Mais je sais une chose
Qui jamais ne meurt :
Le jugement porté sur chaque mort.
78. Parcs à moutons remplis
Je vis chez les fils de Fitjung
Maintenant ils portent le bâton de mendiant;
Ainsi de la richesse
Comme d'un clin d'oeil :
C'est la plus instable des amies.
79. Le sot
S'il vient à s'attribuer
Fortune ou faveur de femme,
Son orgueil s'accroit en lui
Mais sa sagacité, jamais;
Il progresse copieusement dans sa propre vanité.
80. Preuve est faite :
Quand tu interroges sur les Runes
Venues des Dieux,
Celles que firent les Dieux suprêmes
Et que colora le grand maître du monde
Le plus sûr est de se taire.
81. C'est le soir qu'il faut louer le jour
La femme, quand elle est brûlée
L'épée, quand on l'a éprouvée,
La vierge, quand elle est mariée,
La glace, quand on la traversée,
La bière, quand elle est bue.
82. C'est dans le vent qu'il faut abattre l'arbre
Par bonne brise qu'il faut ramer en mer,
Dans l'obscurité qu'il faut bavarder avec la vierge :
Nombreux sont les yeux du jour;
Un bateau est fait pour cingler,
Une targe, pour protéger,
Une épée, pour les coups,
Et une vierge, pour les baisers.
83. Près du feu, il faut boire la bière,
Et sur la glace, glisser,
Acheter la jument maigre,
L'épée, rouillée,
Engraisser le cheval à la maison
Et le chien à la niche.
84. Parole de fille
Nul ne devrait croire
Ni ce que dit femme mariée
Car sur une roue tourbillonnante
Le coeur a été façonné,
Inconstance a été placée dans leur sein.
85. Arc fragile,
Flamme flambant,
Loup béant,
Corbeau croassant,
Porc grognant,
Arbre sans racines,
Vague montante,
Bouilloire bouillante,
86. Trait volant,
Vague retombante,
Glace d'une nuit,
Serpent lové,
Verbiage de mariée au lit,
Ou épée brisée,
Jeu d'ours,
Ou fils de roi,
87. Veau malade,
Esclave volontaire,
Belles paroles de sorcière,
Cadavre récemment tombé,
88. Champ tôt ensemencé :
Que nul homme ne leur fasse confiance,
Non lus que trop tôt à son fils.-
Le temps décide du champ,
Et l'esprit, du fils;
Chacun d'eux est dangereux.
89. Le meurtrier de son frère,
Si on le rencontre sur la route,
La maison mal brûlée,
Le cheval véloce-
Un étalon est inutile
S'il se casse une patte - ,
Qu'on ne soit pas assuré
Au point de leur faire confiance à tous.
90. Avoir la paix avec une femme
Dont fausseté hante le coeur,
C'est comme mener sur la glace glissante
Un étalon non ferré,
Sauvage, de deux hivers
Et mal dressé,
Ou comme croiser dans la tempête
Sur un bateau sans barre,
Ou comme, pour un boiteux, poursuivre
Une renne sur les pentes, au dégel.
91. Ouvertement à présent je parle-
Car je sais l'un et l'autre -
L'humeur de l'homme est changeante envers la femme :
Nous faisons les plus beaux discours
Quand nos pensées sont les plus trompeuses.
C'est là leurrer le sens des sages.
92. Doit bellement parler
Et offrir de l'argent
Qui veut obtenir faveur de femme,
Vanter le corps
De la jeune fille :
Qui aime est aimé en retour.
93. Blâmer l'amour
D'autrui,
Nul ne le devrait jamais :
Souvent s'émeut le sage
Là où l'idiot demeure indifférent
Aux couleurs désirables d'un joli visage.
94. En rien ne faut blâmer
Autrui
De ce qui à beaucoup arrive.
Sage devient sot :
Voilà ce que fait aux fils des hommes
L'ardent désir.
95. L'esprit seul sait
Ce qui gît près du coeur,
Il est seul avec son amour :
Il n'est pire peine
Pour tout homme sage
Que de n'être pas satisfait de soi.
96. J'ai éprouvé cela
Quand j'étais dans les roseaux
Attendant le délice de mon coeur;
Chair et coeur
M'était la sage vierge,
Quoique je ne l'eusse pas encore
97. La vierge de Billingr
Je trouvais sur le lit;
Claire comme soleil, dormant:
Délices de Jarl,
Il me sembla qu'il n'en existait pas
Auprès de vivre avec ce corps.
98. Mais vers le soir,
Tu viendras, Odin
Si tu veux réclamer cette femme;
Bien mauvais sort
Si ne sommes d'accord
Sur ce que nous faisons.
99. Je renonçai-
Il semblait qu'elle m'aimât -
A mon dur désir
Car je croyais
Que j'aurai d'elle
Tout plaisir et liesse.
100. Là-dessus, je revins,
Mais les intrépides
Guerriers étaient tous éveillés,
Avec torche enflammées
Et flambeaux hissés,
Ainsi étais-je en périlleuse passe.
101. Mais vers le petit matin,
Quand je revins encore,
Les gens de la maison étaient endormis;
Je ne trouvai qu'une chienne
Appartenant à l'excellente femme,
Au lit attachée.
102. Mainte excellente vierge-
Si l'on y regarde de près
Et traîtresse envers les hommes.
C'est ce que j'éprouvai
Quand j'essayai d'attirer
La rusée aux jeux d'amour.
De toute dérision
Me couvrit l'adroite femme,
Et d'elle, je n'obtins rien.
103. Chez soi, qu'on soit content
Et joyeux envers l'hôte,
Il faut être sage pour soi-même,
Avoir bonne mémoire, être communicatif,
Si l'on veut être savant en maintes choses.
Il faut souvent parler de bonnes choses :
Idiot énorme s'appelle
Celui qui ne sait guère parler :
C'est le propre des sots.
104. Au vieux géant je rendis visite :
A présent, me voici revenu;
Là, je ne pus guère garder le silence,
Maints discours
Je fis en ma faveur
Dans la salle de Suttung.
105. Gunnlöd me donna à boire,
Assise sur un siège d'or,
Un trait du précieux hydromel;
Sordide récompense
Je lui laissai
Pour son coeur sincère,
Pour sa profonde affection.
106. Par la bouche de Rati
Je me fis frayer un passage
Et ronger le rocher;
Par-dessus et par-dessous
Passaient les routes des géants
Ainsi risquai-je ma tête.
107. De la belle bien acquise
J'ai bien joui
Peu de choses manquent au sage,
Car Odrerir
Est maintenant remonté
Jusqu'à la demeure des dieux.
108. Je doute
Que j'eusse pu sortir
De l'enclos des géants
Si je n'avais joui de l'amour de Gunnlöd,
L'excellente femme
Dans les bras de qui j'ai couché.
109. Le lendemain des noces
Les Thurses du givre allèrent
Consulter le Très-Haut;
De Bölverk ils s'enquirent,
Savoir s'il était revenu parmi les dieux
Ou si Suttung l'avait immolé
110. Je crois bien qu'Odin
Avait prêté serment sur l'anneau sacré,
Qui peut à sa foi se fier?
Au partir du banquet
Il a laissé Suttung frustré
Et Gunnlöd en larmes.
111. Il est temps d'incanter
Sur le siège du thulr
Au bord du puits d'Urd
Je vis et je me tus,
Je vis et je méditai,
J'écoutai les propos des hommes;
Des Runes, j'entendis traiter,
Point n'en celèrent les pouvoirs
A la halle du Très-Haut,
Dans la halle du Très-Haut
J'entendis ainsi parler :
112. Nous te conseillons, Loddfafnir,
Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils.-
Tu en jouiras, si tu les apprends,
Ils te seront bénéfiques, si tu les suis.
De nuit, ne te lève pas,
A moins que tu ne sois en quête
Ou que tu cherches les cabinets.
113. Nous te conseillons, Loddfafnir,
Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils.-
Tu en jouiras, si tu les apprends,
Ils te seront bénéfiques, si tu les suis.
Entre les bras d'une magicienne
Il ne faut pas que tu dormes,
En sorte qu'elle puisse rendre roides tes jointures.
114. Elle fait si bien
Que tu ne te soucies plus
De thing ni de propos de roi;
De nourriture, tu ne veux plus
Ni de gaieté de personne,
Tu va plein de chagrin dormir.
115. Nous te conseillons, Loddfafnir,
Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils.-
Tu en jouiras, si tu les apprends,
Ils te seront bénéfiques, si tu les suis.
La femme d'un autre,
Ne séduis jamais
Pour en faire ta maîtresse.
116. Nous te conseillons, Loddfafnir,
Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils.-
Tu en jouiras, si tu les apprends,
Ils te seront bénéfiques, si tu les suis.
Si l'envie te prend d'aller
Dans la montagne ou par le fjord,
Fais un bon repas.
117. Nous te conseillons, Loddfafnir,
Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils.-
Tu en jouiras, si tu les apprends,
Ils te seront bénéfiques, si tu les suis.
A un méchant
Ne laisse jamais
Connaître tes ennuis,
Car d'un méchant
Tu ne recevras jamais
Paiement de ta bonne intention.
118. J'ai vu des paroles
De méchante femme
Mordre cruellement un homme :
Une langue menteuse
Lui coûta la vie
Encore qu'il ne fît point coupable.
119. Nous te conseillons, Loddfafnir,
Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils.-
Tu en jouiras, si tu les apprends,
Ils te seront bénéfiques, si tu les suis.
Vois-tu, si tu as un ami
En qui tu aies bien confiance,
Va le trouver souvent
Car les taillis croissent
Ainsi que l'herbe haute
Sur le chemin que nul ne foule
120. Nous te conseillons, Loddfafnir,
Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils.-
Tu en jouiras, si tu les apprends,
Ils te seront bénéfiques, si tu les suis.
Un excellent homme,
Attache-le-toi par des propos joyeux
Et apprends la clémence, tant que tu vis.
121. Nous te conseillons, Loddfafnir,
Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils.-
Tu en jouiras, si tu les apprends,
Ils te seront bénéfiques, si tu les suis.
Avec ton ami
Ne soit jamais
Le premier à rompre;
Le chagrin dévore le coeur
Si tu n'as personne
A qui ouvrir ton âme.
122. Nous te conseillons, Loddfafnir,
Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils.-
Tu en jouiras, si tu les apprends,
Ils te seront bénéfiques, si tu les suis.
Te disputer
Jamais ne faut
Avec un singe malavisé
123. Car d'un méchant homme
Jamais tu n'obtiendras
Récompense pour tes bonnes actions,
Mais un excellent homme
Put bien te rendre
Populaire et prisé par autrui.
124. Fraternité d'arme il y a
Quand on dit
A un seul tout ce que l'on pense;
Tout est mieux
Que d'être de coeur malhonnête;
Qui approuve toujours, ce n'est pas un ami.
125. Nous te conseillons, Loddfafnir,
Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils.-
Tu en jouiras, si tu les apprends,
Ils te seront bénéfiques, si tu les suis.
Echanger trois mots d'insulte
Avec un plus mauvais que toi, tu ne le dois pas;
C'est souvent le meilleur qui cède
Quand le pire cherche noise.
126. Nous te conseillons, Loddfafnir,
Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils.-
Tu en jouiras, si tu les apprends,
Ils te seront bénéfiques, si tu les suis.
Cordonnier ne sois,
Ni fabricant de manche,
Si ce n'est pour ton propre usage.
Que la chaussure soit mal faite
Ou que le manche soit mauvais,
On te voudras du mal.
127. Nous te conseillons, Loddfafnir,
Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils.-
Tu en jouiras, si tu les apprends,
Ils te seront bénéfiques, si tu les suis.
Où que tu sache le malheur,
Dis-toi qu'il est pour toi,
Et ne laisse pas la paix à ton ennemi.
128. Nous te conseillons, Loddfafnir,
Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils.-
Tu en jouiras, si tu les apprends,
Ils te seront bénéfiques, si tu les suis.
Content du mal,
Ne le sois jamais
Mais réjouis-toi du bien.
129. Nous te conseillons, Loddfafnir,
Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils.-
Tu en jouiras, si tu les apprends,
Ils te seront bénéfiques, si tu les suis.
Regarder en l'air
Tu ne le dois pas dans la bataille-
Pareils à des porcs
Seront les fils des hommes - ,
De peur que ton esprit ne soit ensorcelé.
130. Nous te conseillons, Loddfafnir,
Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils.-
Tu en jouiras, si tu les apprends,
Ils te seront bénéfiques, si tu les suis.
Si tu veux inviter une excellente femme
A de joyeux entretiens.
Et en retirer liesse,
Il faut faire belles promesses
Et ferme les tenir;
Nul ne se lasse de ce qui est bon.
131. Nous te conseillons, Loddfafnir,
Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils.-
Tu en jouiras, si tu les apprends,
Ils te seront bénéfiques, si tu les suis.
Prudent, je te prie d'être,
Mais point trop prudent;
Sois surtout prudent avec la bière
Et avec la femme d'autrui
Et avec cela, en troisième lieu
Que les voleurs ne te dupent pas.
132. Nous te conseillons, Loddfafnir,
Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils.-
Tu en jouiras, si tu les apprends,
Ils te seront bénéfiques, si tu les suis.
Pour objet de moquerie ou de rire
Ne prends jamais
Hôte ou voyageur.
133. Souvent ne savent pas bien
Ceux qui restent assis à l'intérieur
Quelles sortes de gens sont les arrivants;
Il n'est homme si excellent
Qu'il ne soit sans défaut,
Ni si mauvais qu'à rien ne serve.
134. Nous te conseillons, Loddfafnir,
Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils.-
Tu en jouiras, si tu les apprends,
Ils te seront bénéfiques, si tu les suis.
Du sublime thulr
Ne ris jamais
Souvent est excellent ce que disent les anciens.
Paroles claires proviennent
Souvent des peaux ratatinées,
Celles qui pendent parmi les cuirs,
Pendillent parmi les parchemins
Et se balancent parmi les misérables.
135. Nous te conseillons, Loddfafnir,
Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils.-
Tu en jouiras, si tu les apprends,
Ils te seront bénéfiques, si tu les suis.
Ne raille pas ton hôte
Ni ne le mets à la porte,
Sois secourable au pauvre peuple.
136. Lourd, le loquet
Qu'il faut lever
Pour ouvrir à tout le monde;
Baille une bague à cet homme
Ou bien il fera venir
Tous les maux dans tes membres.
137. Nous te conseillons, Loddfafnir,
Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils.-
Tu en jouiras, si tu les apprends,
Ils te seront bénéfiques, si tu les suis.
Contre le beuveries de bière
Choisis la force de la terre
Car la terre guérit l'excès de bière,
Le feu, les maladies (contagieuses)
Le chêne, les constipations
L'épi, la sorcellerie
Le sureau, les querelles domestiques-
Contre frénésie, faut invoquer la lune -
L'alun, les morsures (d'insectes)
Et les Runes, le malheur,
Le sol guérit les vomissements.
SUITE
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